Rencontre avec François-Xavier Rodet, CEO et co-fondateur du projet Tiny
Comment vous est venue l'idée de créer un véhicule tel que Tiny ?
Cela est venu d’une problématique personnelle : les difficultés de transports de mes enfants ado pour le lycée ou leurs activités extra-scolaires ainsi que la recherche de réduction d’impact de mes propres déplacements du quotidien.
Un petit véhicule électrique sans permis semblait très pertinent, sauf que, habitant en maison de ville et n’ayant pas facilement accès à une prise de courant, il n’était pas possible de le recharger. C’est ainsi que je me suis dit : “mais pourquoi pas un micro-véhicule avec des batteries amovibles et portables, comme pour un vélo électrique ?”.
J’ai cherché si cela existait, je n’ai rien trouvé. J’en ai discuté autour de moi et je me suis très vite rendu compte de l’intérêt, renforcé par l’arrivée des ZFE.
Avec Tiny, c'est la liberté mais en mieux ! La promesse est forte, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
La promesse est forte, c’est vrai. En même temps, une fois que vous avez acquis la liberté que Tiny propose, cela veut dire :
- moins polluer,
- prendre moins de place en ville, pour se garer plus facilement et gagner du temps,
- être bien protégé des intempéries et des risques d’accidents,
- ne pas être dépendant d’une borne de recharge,
- maîtriser son budget de dépenses en énergie,
- et si en plus le véhicule est sympa, qu’on peut le faire évoluer et le personnaliser, quoi dire de plus que Tiny, c’est beaucoup mieux ?
Tout ça, nous essayons de l’offrir avec Tiny et nous pensons que c’est ce que nos clients recherchent !
Quelle est la place de Tiny sur le marché des micro voitures et comment vous différenciez-vous par rapport à vos principaux concurrents ?
Notre ambition est de fournir une solution de mobilité extrêmement simple et adaptée aux trajets du quotidien en zone urbaine ce qui n’est pas exactement le positionnement des acteurs traditionnels.
D’autre part, grâce à notre système de batteries amovibles faciles à porter, nous nous adressons plus particulièrement aux personnes qui ont des difficultés à accéder à une borne de recharge, ce qui est souvent le cas en ville.
Comment Tiny et son business model vont s'insérer dans l'offre actuelle de la mobilité urbaine ?
Nous proposons le véhicule à l’achat ou à la location longue durée, ce qui correspond aux besoins de notre marché. Les clients pourront commander leur véhicule sur internet et se faire livrer à domicile, ce qui est extrêmement confortable. Ils auront accès à des éléments de personnalisation ainsi que des équipements d’amélioration et pourront faire évoluer leur véhicule.
Dans quelle mesure Tiny voit grand et responsable ? Et pensez-vous que design et ecologie soient compatibles ?
Les accords de Paris, signés par l’Europe, poussent l’exigence de réduction du CO2 à des niveaux extrêmement importants, les transports représentant 1/3 de ces rejets. Nous sommes mus par cette exigence collective et avons décidé d’être acteurs engagés.
Pour autant nous ne pensons pas qu’un style d’écologie radicale triste et punitive soit un bon chemin pour susciter l’engagement de tous. Bien-sûr, pour fonctionner l’écologie doit être désirable, apporter du confort, bien être et plaisir. Le design participe à cela sur l’aspect esthétique mais aussi dans la conception qui doit être réfléchie afin d’inclure cette nouvelle exigence de réduction d’impact.
Nous assistons à un véritable boom des ventes de véhicules sans permis surtout auprès des adolescents, pensez-vous qu'il s'agisse seulement d'un effet de mode ou est-ce véritablement une tendance de fond ?
C’est bien une tendance de fond, et le mouvement ne date pas d’hier. Dans le Sud de la France, cela fait bien longtemps que les jeunes ont des véhicules sans permis. Les parents ont bien compris l’intérêt en termes de praticité et de sécurité. Nous assistons simplement à une généralisation en France, il faut bien le dire aidée par l’arrivée du Citroën AMI qui a totalement déringardisé le concept, et c’est tant mieux.
Selon vous, les ZFE vont-elles avoir un impact fort sur les déplacements en ville ainsi que sur le choix de véhicules des automobilistes ?
Oui, les objectifs de réductions de CO2 nous imposent peu à peu le remplacement complet du parc automobile par des véhicules électriques. Toutefois, pour la plupart des usagers, remplacer un véhicule déjà acheté d’occasion (50% moins cher) par un véhicule neuf électrique (30% plus cher) est juste impossible, même aidé par l’Etat. Et quand vous n’avez pas accès à une borne électrique facilement, vous pouvez oublier …
Actuellement le marché est dans un attentisme impressionnant : plus personne n’achète ni de neuf, ni d’occasion. Je vous laisse sonder votre environnement proche.
Résoudre l’équation déplacement-coût-impact va obliger à s’ouvrir à de nouvelles solutions qui vont devenir plus pertinentes. Tiny répond à ce besoin.
D'après vous, comment voyez-vous évoluer la mobilité urbaine dans les 10 prochaines années et quelle sera la place des petites voitures dans les villes ?
75 % des Français ne savent pas ce qu’est une ZFE, mais fin 2024, ce sont 45 agglomérations en France qui vont être concernées, soit 22 millions de personnes impactées. A partir du 1er janvier 2025, ne seront alors autorisées que les Crit’air 2, puis les restrictions augmenterons encore, probablement jusqu’en 2035 avec l’interdiction complète des véhicules thermiques, même les hybrides.
Au début, dans le cadre d’une souplesse nécessaire face à ce changement exigeant, une tolérance s’appliquera comme c’est actuellement le cas à Paris, puis peu à peu, les pouvoirs publics seront de plus en plus exigeants et tomberont les amendes. C’est ce qui est en train d’arriver à Paris.
Les déplacement en centre ville vont donc nécessairement évoluer. Les plus privilégiés continueront d’acheter des grosses voitures puissantes pour se déplacer dans des villes qui seront pourtant majoritairement limitées à 30 km/h. Pour la majorité, il faudra basculer vers des modes de transports doux (marche, vélo), des solutions partagées (transports en commun, autopartage) ou des micro-véhicules électriques, plus rapides, pratiques et sécurisés comme Tiny.
Développer Tiny en France est-il un défi industriel et comment financez-vous le processus d'industrialisation ?
Cela fait partie de notre démarche de responsabilité sociétale que de produire au plus proche de nos clients, et donc en France. Bien entendu, cela oblige à soigner particulièrement l’industrialisation. Afin de maîtriser nos coûts d’investissements en machines et d’optimiser la rapidité d’assemblage, nous avons travaillé particulièrement sur la conception et le nombre de pièces. Aujourd’hui, avec moins de 150 pièces, nous sommes capables d’assembler chaque véhicule en 4 heures.
L’étape suivante, déjà engagée, est d’organiser le processus de production. Nous travaillons pour cela avec un industriel automobile.
Depuis 2021, vous avez déjà réalisé 2 prototypes, quand pensez-vous qu'il sera possible d'essayer la version finale de Tiny ?
Nous sommes en train de développer notre troisième prototype qui devrait sortir courant avril. Celui-ci permettra les premiers essais. Avant de pouvoir être mis sur la route pour tous, le travail ne s’arrête pas là. Il nous faudra améliorer, préparer l’homologation et l’industrialisation. Nous en avons pour un peu plus d’un an.
Quels sont les grands défis auxquels la mobilité urbaine est actuellement confrontée en France et en Europe ?
Derrière l’enjeu de la baisse de l’impact carbone, le grand défi est l’accompagnement des populations dans le tournant de la décarbonation.
En France et en Europe, ceci passe par la mise en place de solutions de déplacement décarbonées accessibles à tous. Dans les grandes villes intermédiaires, les solutions douces se développent et c’est tant mieux. Toutefois, les réseaux de transport en commun ou les vélos ne répondront pas à toutes contraintes avant longtemps. Le véhicule individuel demeurera encore indispensable pour bon nombre afin, en particulier, d’assurer les déplacements du quotidien, parmi lesquels les déplacements pendulaires domicile-travail.
Et il ne s’agirait pas que les gens ne puissent plus travailler parce qu’ils ne pourraient plus se rendre à leur entreprise.
Or, on ce qu’on constate aujourd’hui est que les véhicules électriques sont aujourd’hui bien plus chers que leurs équivalents thermiques. Ils nécessitent en plus l’accès à une borne de recharge. La réalité est que c’est actuellement un produit réservé à des classes sociales supérieures habitant en zone pavillonnaire. L’enjeux est de trouver des nouvelles solutions de mobilité bas carbone adaptées aux trajets urbains du quotidien.
Les start-ups innovantes comme Tiny ont un fort potentiel de croissance avec un besoin de financements important. Recherchez-vous des partenaires ou des investisseurs pour vous aider à développer votre offre de service ?
Nous recherchons des investisseurs pour nous aider à financer le démonstrateur, c’est-à-dire le véhicule finalisé qui sera directement industrialisé. Nous sommes aussi ouverts à des partenariats, en particulier industriels et de distribution.
En tant que véhicule connecté, comment Tiny va aider les usagers et simplifier l'expérience urbaine, dans un contexte ou on parle de plus en plus de MAAS et d'innovation Smart City ?
Nous avons de nombreuses idées de développement de services sur la base de l’IoT. C’est la raison pour laquelle, dès le départ, Tiny est un véhicule connecté. Les services monteront en gamme au fur et à mesure. Nous commencerons par des fonctions de géolocalisation et de commandes distantes, puis nous évoluerons vers des services de plus en plus complexes : gestion de flotte, auto-partage, partage de données, etc.
Email Communication : contact@thetinycar.com