Rencontre avec Christian van Oost, CTO du projet Tiny, un designer automobile passionné !
Pourriez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Christian van OOST, je suis Ingénieur & Designer de formation. J’ai travaillé pour plusieurs grands groupes automobiles, en France & à l’Etranger (Renault, Volvo, Psa, Valeo, Pininfarina, Audi, Dong Feng…) pour lesquels j’ai réalisé différents projets et concepts-cars :
- Renault Scénic & Racoon,
- Audi Al2 (Francfort et Tokyo),
- Pininfarina Dardo,
- Peugeot E-Doll & Cameleo
- Toute la partie design du film de Richard Berry “l’art délicat de la séduction”
En 2004, j’ai créé au Mans ma 1ère société, CvOracing, dans laquelle j’ai développé et commercialisé mes propres véhicules de compétition, des sports-prototypes pour des courses d’endurance.
En 2008, j’ai créé CvOdesign qui est un bureau de Design & d’Ingénierie basé à St-Nazaire.
Nous y avons réalisé plusieurs gros projets, notamment :
- Des camions de pompiers pour Sides,
- Un véhicule électrique pour l’apprentissage inclusif de la conduite,
- Un intérieur de véhicule autonome pour le CES de Las Vegas
Vous avez rejoint l'équipe de direction du projet Tiny il y a quelques mois, pourriez-vous nous expliquer ce qui vous a séduit dans ce projet ?
Un bon projet, c’est d’abord une équipe et une idée !
J’ai été séduit par le positionnement du projet, son côté différentiant et le challenge que cela représentait de mener à terme ce concept. C’était loin d’être facile, mais je n’aime pas les choses faciles.
De plus, les valeurs véhiculées dans ce projet sont celles de CvOdesign depuis maintenant plusieurs années, donc oui, je me retrouvais dans ce projet.
Et puis j’ai été rassuré par les 2 fondateurs et l’équipe en place qui n’étaient pas issus de l’univers automobile mais qui apportaient la complémentarité nécessaire pour former une équipe solide
Tiny est une nouvelle solution de mobilité simplifiée et décarbonée disruptive, pensez-vous que le secteur automobile soit suffisamment mûr pour voir arriver des véhicules à base de matériaux biosourcés comme Tiny ?
Depuis maintenant plusieurs années, avec l’arrivée des véhicules électriques et des énergies alternatives, nous
vivons une nouvelle ère automobile, un peu comme au début de l’histoire de l’automobile. On assiste à l’émergence de tout un tas de petits constructeurs qui proposent et inventent de nouvelles solutions de mobilité.
La société et les besoins ont énormément évolué, les consommateurs veulent autre chose. Il n’y a plus une réponse unique, mais la nécessité de s’adapter à des usages très différents avec des produits pertinents, ciblés, pouvant utiliser des technologies très variées
En amont du projet, le designer automobile a un rôle central dans la conception d'un véhicule automobile. Quels sont les défis majeurs auxquels vous devez faire face de manière générale et plus spécifiquement dans le cadre de la conception de Tiny ?
Tiny est un projet complexe car minimaliste : budget serré, poids contenu, dimensions ultra compactes…
Il est toujours plus difficile de faire un projet avec beaucoup de contraintes, qu’un projet plus libre. Mais comme je
dis souvent, plus il y a de contraintes, plus il y a d’opportunités d’être créatif.
Pour ce projet nous avons dû relever de nombreux défis et au final, nous avons un véhicule qui ne comporte pas
beaucoup de solutions conventionnelles, usuellement utilisées dans le reste de l’univers automobile.
Notre châssis, les trains, les suspensions, les matériaux, la power unit… tout est différent et singulier.
Pour concevoir un bon design, quels sont les ingrédients indispensables pour mener à bien le projet et comment se déroule idéalement le processus de création ?
Il y a 2 grandes approches dans l’univers de la création automobile :
- De l’extérieur vers l’intérieur, c’est le stylisme
- De l’intérieur vers l’extérieur, c’est le design
En d’autres termes, et pour faire simple :
- Le stylisme détermine une forme et fait en sorte que tout rentre dedans
- Le design défini les usages et s’attache à l’expérience utilisateur pour concevoir un produit plus pertinent
(Forme = fonction)
Bien évidemment, c’est plutôt la 2ème approche que je privilégie. Pour rappel un bon design s’appuie sur 3 valeurs : Identité / Usages / Technique.
Concevoir une voiture de A à Z est certainement très technique et un projet sur le long terme. Quels sont les délais habituels pour développer un véhicule tel que Tiny ?
Les délais sont très variables en fonction du type de projet, mais aussi du type d’entreprise.
Chez les grands constructeurs, en moyenne pour mettre un nouveau véhicule sur le marché entre le 1er croquis et le produit final, il se passe environ 5 ans.
Mais un concept-car se fait en 1 an. Et moins on fait d’itérations, plus on peut réduire ce délai. Comme dans tout projet, le type de management y fait beaucoup également. Plus il y a de personnes impliqués dans le processus de décisions, plus cela rallonge les délais. C’est pourquoi une petite structure sera toujours plus agile et permettra de réduire le délai de conception. Pour le projet Tiny, notre planning de développement a été réduit à 30 mois.
En tant que designer automobile, vous êtes certainement en veille de nouvelles tendances. A ce titre, y a t-il des secteurs d'activité ou des marques qui vous inspirent ?
Un bon designer est en veille permanente et si possible en veille large, ce qui signifie en veille sur des univers pas toujours connexes au produit développé. Quand je faisais le design de projecteurs et de feux pour Valeo, mes univers de veille étaient par exemple la bijouterie, les scènes de concert… des univers où il y a de l’éclairage, de la diffusion de lumière et des effets de matières et de couleurs. Cela me permettait de trouver une inspiration différente qu’en regardant les projecteurs & feux des autres véhicules existants.
Le fort développement des véhicules électriques impacte t-il votre façon de travailler et devez-vous remettre en question votre approche ?
Bien sûr. Nous développons nos propres véhicules, que ce soit de compétition ou de route, et cela peut étonner
certaines personnes, mais nous avons abandonné l’utilisation de tout moteur thermique depuis une bonne
quinzaine d’année maintenant.
Cela ne veut pas forcément dire que nous faisons du tout électrique. Les technologies évoluant très vite, nous devons être au fait de tout ce qui peut exister à court ou moyen terme. Cela nécessite un gros travail de veille, mais aussi la capacité à nouer des partenariats pour avancer plus vite.
Pensez-vous que Tiny a une place à prendre sur le marché de la mobilité ? et si oui, quelle est-elle ?
Avec l’arrivée de la Citroën Ami sur le marché en 2020, c’est tout le marché du VSP qui a été tiré vers le haut. Il y a actuellement une très forte demande dans ce domaine, et cela ne va pas s’arrêter de sitôt. On assiste à une inflation des prix des véhicules neufs, pour des prestations qui ne sont plus du tout en adéquations avec les usages du quotidien. C’est pourquoi les gens s’intéressent de plus en plus à un produit de mobilité plutôt qu’à un véhicule automobile.
Quelle est votre approche pour concevoir un nouveau modèle de voiture ?
Comme en toute chose il faut être ambitieux. Et en ce qui concerne mes créations, au risque de vous choquer, je trouve qu’une nouvelle création automobile n’a de sens que si elle peut apporter quelque chose à l’histoire de l’automobile. Si on fait juste une nouvelle voiture pour en faire une nouvelle, cela n’a pas beaucoup de sens, c’est même plutôt en désaccord avec les préoccupations environnementales actuelles. C’est juste un produit de plus parmi les autres produits. Donc mon approche, c’est l’ambition, la volonté de se différencier et d’apporter quelque chose de nouveau.
Comment travaillez-vous avec d'autres professionnels, tels que les ingénieurs et les fabricants, pour réaliser votre vision de conception ?
Quand on développe un nouveau projet, on met en place un plateau projet avec toutes les compétences nécessaires au projet.
Suivant les projets, ce ne sont pas toujours les mêmes compétences. Le choix de l’équipe est très important. Et il est vraiment important également à mon sens de pouvoir intégrer toutes ces compétences et ces métiers, dès le tout début du projet, de façon à réellement pouvoir co-créer le projet. C’est souvent plus efficace. Par exemple, on n’attend pas d’être dans la phase d’homologation pour faire intervenir un ingénieur homologation. Idem sur la phase fabrication, souvent, on trouve des solutions ensemble et c’est un gain de temps et d’argent.
Comment vous assurez-vous que votre travail de conception répond aux besoins et aux attentes des clients tout en restant fidèle à votre vision créative ?
Une bonne démarche design, s’appuie sur une analyse des besoins des usagers. Cette phase préparatoire est
indispensable à la bonne réussite du projet et son adéquation avec sa cible. De cette analyse découle un cahier des
charges conceptuel avec des contraintes. En face de chaque contrainte on met une solution. L’ensemble des
solutions constitue un concept. La créativité ne consiste donc pas à partir d’une feuille blanche et à la remplir par
des idées venues de nulle part mais s’appuie bien sur un travail analytique. La créativité consiste alors à trouver des
solutions originales pour chaque contraintes proposées, et vous imaginez bien qu’il y a quasiment une infinité de
réponses possibles pour chaque problème.